La Polyarthrite Rhumatoïde
 

1. Définition

La polyarthrite rhumatoïde (PR) est le plus fréquent des rhumatismes inflammatoires chroniques.

Sa gravité est la conséquence de l’inflammation chronique de la membrane synoviale articulaire. Cette inflammation entraîne progressivement une destruction de l’os et du cartilage, responsable de l’atteinte fonctionnelle.

La PR est aussi une maladie systémique dont les manifestations extra-articulaires peuvent mettre en jeu le pronostic vital.

Véritable problème de santé publique car:

2. Physiopathologie

La PR est une affection dont l’origine précise n’est pas connue. Cependant on classe la PR comme une maladie auto-immune à cause de la présence de signes auto-réactivité.

Plusieurs facteurs favorisants ont été identifiés:

La compréhension des conséquences de l’inflammation de la membrane synoviale est plus précise. Elle conduit à plusieurs applications thérapeutiques en cours d’extension.

L’inflammation de la synoviale réalise une synovite chronique caractérisée par l’interaction entre des cellules mononucléées issues du sang qui après migration entrent en contact avec les cellules mésenchymateuses articulaires (fibroblastes / synoviocytes).

La formation de la synovite de PR réalise un pannus dont la chronicité entraîne la destruction de l’os et du cartilage. Précocement une note une hyperplasie par prolifération des cellules bordantes c’est à dire proches de la cavité articulaire, une néovascularisation intense favorisant la migration des lymphocytes surtout CD 4 de phénotype mémoire dont l’accumulation forme des nodules lymphoïdes périvasculaires.

Ces lymphocytes expriment des marqueurs d’activation et contribuent à la sécrétion de cytokines de type Th1. Secondairement, ces lymphocytes directement et par l’intermédiaire de leurs facteurs solubles activent les cellules résidantes entraînant la sécrétion de cytokines proinflammatoires comme l'interleukine 1; le tumor necrosis factor alpha, l'interleukine 6. Ces cytokines activent les cellules mésenchymateuses qui libèrent des enzymes de type métalloprotéases, responsables des effets de dégradation.

En contraste, il existe un déficit local de production des cytokines de type Th2 qui ont un effet anti-inflammatoire comme l'interleukine 4 et l'interleukine 10.

Cette activation cellulaire locale entraîne une accumulation cellulaire qui résulte d’une augmentation de la prolifération non compensée par l’élimination par mort cellulaire programmée ou apoptose, qui est déficitaire.

L’inflammation locale prolongée est susceptible d’induire des modifications moléculaires assez superposables à celles mise en évidence au niveau des cellules tumorales. La présence d’activation, voire de mutations de certains oncogènes (p53, p21) permet de rendre compte de la difficulté d’un contrôle de ces anomalies à un stade tardif. Cette approche pousse à un contrôle thérapeutique le plus précoce possible non seulement des éléments inflammatoires mais plus encore des capacités locales de prolifération cellulaire.

3. Aspects cliniques:

Le diagnostic doit être fait le plus précocement possible, en particulier avant la destruction articulaire. C’est à ce stade qu’un traitement a des chances d'être efficace.

Il faut totalement opposer deux tableaux:

3.1 Polyarthrite rhumatoïde au début:

Le diagnostic est avant tout clinique, repose sur l’interrogatoire et l’examen clinique.

3.1.1 L’oligo-arthrite distale (70 %)

évocatrice selon:

3.1.2 La polyarthrite aiguë fébrile (20 %) 3.1.3 Formes de début plus rares 3.1.4 Explorations complémentaires

A ce stade, n'apportent pas d'éléments spécifiques, le diagnostic est avant tout clinique:

Liquide synovial: inflammatoire, riche en protéines et en cellules, surtout polynucléaires avec taux de complément synovial (C4) abaissé;

Biopsie synoviale: le plus souvent, lésions de synovite subaiguë non spécifique. Sont évocateurs: l’hyperplasie des villosités et des couches bordantes; la néovascularisation et l’infiltrat lympho-plasmocytaire formant des nodules périvasculaires.

3.2 Phase d'état ou phase déformante

Correspond à l'apparition des déformations caractéristiques de la maladie. Ce n’est plus un problème diagnostique, mais thérapeutique.

3.2.1 Manifestations articulaires

Les mains (90 % des cas): Les poignets (90 %): Les pieds (90 %): Les genoux (60 %): Les hanches (15 %): Les coudes (40 %): Les épaules (50 %): Le rachis cervical (50 %): 3.2.2 Ténosynovites 3.2.3 Manifestations extra-articulaires Nodules rhumatoïdes (20 %): Manifestations pleuro-pulmonaires: Atteintes cardio-vasculaires: Manifestations neurologiques: Manifestations ophtalmologiques : Manifestations musculaires Amylose Manifestations hématologiques: 3.2.4 Examens complémentaires

Signes radiographiques

retardés de plusieurs mois par rapport aux données cliniques;

sévérité très variable;

signes d'arthrite:

Signes biologiques et immunologiques

syndrome biologique inflammatoire:

augmentation de la VS, CRP, alpha-2 et gammaglobulines; hyperplaquettose;

anémie avec fer bas; le plus souvent anémie inflammatoire avec taux élevé de ferritine; ou mixte si taux de ferritine bas, par saignement le plus souvent digestif.

facteur rhumatoïde:

anticorps antikératine et antipérinucléaires: anticorps antinucléaires (15 à 30 %): étude génétique 3.2.5 Evolution

La PR est une maladie très hétérogène, dont la gravité est variable d'un malade à l'autre. Il est important de noter pour la discussion du traitement que la majorité de la destruction articulaire survient au cours des deux premières années.

Le suivi se fait :

Les facteurs de mauvais pronostic sont: l'importance du syndrome inflammatoire; taux élevé de facteur rhumatoïde; début polyarticulaire; la présence des gènes HLA DR 4; érosions radiologiques précoces, mauvaise réponse au premier traitement de fond.

La PR arrête souvent (60 %) son évolution pendant la grossesse et reprend après l'accouchement.

4. Diagnostic différentiel

Difficile au début, il dépend du mode de présentation de la maladie. L'American College of Rheumatology (ACR) a proposé des critères de classification de la PR (voir annexe II). Ils sont souvent pris en défaut lorsqu’il s’agit de formes incomplètes ou atypiques. Souvent seule l’évolution permet de préciser le diagnostic exact. Il est important de revoir le malade et de n’utiliser à ce stade qu’un traitement symptomatique simple. L’utilisation d’une corticothérapie à dose forte d’emblée risque de masquer les symptômes, ne permettant plus de différencier une PR d’une autre maladie cortico-sensible.

4.1 Mono-arthrite

Dans ce contexte, la première urgence diagnostique est celle de mono-arthrite infectieuse, notamment tuberculeuse, par étude du liquide synovial, par biopsie de la synoviale (cytologie, culture, PCR). Les maladies inflammatoires ne seront évoquées qu’ensuite.

4.2 Polyarthrites d'origine infectieuse

4.3 Groupe des spondylarthropathies 4.4 Connectivites

syndrome de Gougerot-Sjögren primitif surtout:

4.5 Polyarthrites d'origine microcristalline 4.6 Autres rhumatismes inflammatoires 5. Traitement

5.1 Principes généraux

5.2 Traitements symptomatiques 5.3 Traitements de fond

susceptibles d'arrêter ou de freiner l'évolution de la PR. La démonstration définitive de ces actions est difficile à obtenir car elle impose des études longues chez des malades traités à un stade précoce avant destruction.

5.3.1 Sels d'or:

Allochrysine* injectable IM:

Posologie: traitement d’attaque: 0.10 g / semaine; posologie totale: 3 cg/kg. Si résultat favorable, traitement d'entretien: 0.10 g tous les 21 jours ou tous les mois.

Surveillance: hémogramme avec plaquettes tous les mois, protéinurie avant chaque injection.

Effets secondaires (30 % ):

5.3.2 Méthotrexate:

Posologie: 7,5 à 15 mg / semaine en une seule prise
per os ou par voie intramusculaire.

Action plus rapide que les autres traitements de fond en 1 mois au lieu de 3 mois.

Contre-indications:

Surveillance: hémogramme complet avec plaquettes, créatinine et transaminases / mois.

Effets secondaires:

5.3.3 Antipaludéens de synthèse:

Posologie: Plaquenil*, 2 cp à 200 mg par jour;

Surveillance : essentiellement ophtalmologique: électrorétinogramme tous les 6 mois;

Effets secondaires: risque de dépôts cornéens réversibles et de rétinopathie irréversiblerarement prurit, troubles digestifs.

5.3.4 Salazopyrine:

5.3.5 Dérivés thiolés:

Posologie: D-pénicillamine (Trolovol*) *: 1 cp à 300 mg / jour pendant 1 mois, puis 2 voire 3 cp / jour; tiopronine (Acadione*): 2 puis 4 cp à 250 mg / jour;

Surveillance: hémogramme avec plaquettes et protéinurie tous les mois;

Effets secondaires:

5.3.6 Immunodépresseurs: 5.3.7 Traitement local et chirurgical: 5.3.8 Traitement chirurgical:

Le traitement chirurgical a transformé le pronostic fonctionnel (prothèses des grosses articulations). Les indications chirurgicales sont discutées au mieux au cours de consultations médico-chirurgicales. Il faut privilégier une chirurgie plus précoce.

chirurgie précoce:

chirurgie tardive: 5.3.9 Réadaptation fonctionnelle: 5.4 Indications du traitement

Eléments communs:

  • Choix du traitement de fond:
  • Il faut noter une évolution des approches.
  • L’approche classique qui reste valable, envisage l’utilisation progressive et successive des traitement de fond, allant des plus simples (Plaquenil, puis sels d’or, puis dérivés thiolés) au plus lourds (Méthotrexate). C’est la classique progression en pyramide.

    L’approche plus récente considère qu’il faut utiliser précocement les médicaments les plus efficaces et les mieux tolérés. Ceci correspond donc à la pyramide inversée. De fait actuellement le Méthotrexate est le médicament le plus utilisé car ce médicament a le meilleur rapport efficacité / tolérance.

    On peut cependant nuancer ces conclusions et proposer les indications suivantes:

    PR au début à type d'oligoarthrite d'intensité moyenne: Plaquenil, Salazopyrine, Allochrysine;

    PR avec signes systémiques: corticothérapie générale per os, à une posologie d'attaque de 0,25 à 0,50 mg/j, avec réduction progressive lorsque le délai d’action des traitements de fond sera atteint;

    PR de sévérité habituelle: Méthotrexate avec ou sans corticoïdes à faibles doses;

    PR réfractaire: ciclosporine seule ou en association au Méthotrexate; autres associations médicamenteuses;

    PR active et désir de grossesse: corticoïdes, ciclosporine, Imurel (référence au traitement des greffes d’organe)

    PR avec vascularite, neuropathie, amylose: corticoïdes et perfusions mensuelles d’Endoxan.

    5.5 Traitements innovants:

    Plusieurs traitements expérimentaux issus des concepts immunologiques sont en cours de développement . Ces principales approches sont les suivantes:

    contrôle des cytokines inflammatoires:

    par des anticorps monoclonaux (anti-TNF-a), des récepteurs solubles de cytokines (IL 1, TNF-a) , l’antagoniste du récepteur de l’IL 1 (IL 1Ra);

    par l’apport de cytokines anti-inflammatoires (IL 4, IL 10, IL 13, IFNb) ou par l’induction de leur production endogène.

    contrôle de l’action des cytokines inflammatoires:

    par blocage des activités enzymatiques destructrices

    par activation de leur inhibiteurs naturels

    contrôle des lymphocytes T:

    par blocage de leur migration en agissant sur les molécules d’adhésion (anti-ICAM-1)

    par blocage de leur interaction en agissant sur les molécules d’interaction (CD 28, CTLA-4)

    par contrôle plus sélectif de certaines sous-populations à rôle proinflammatoire en respectant les lymphocytes T protecteurs.

    action sur des cibles spécifiques:

    par vaccination avec des peptides antigèniques, de récepteurs T pathogènes

    action globale sur le système immunitaire:

    par greffe de moelle allo ou autologue.

    D’autres concepts et approches nouvelles sont en cours d’élaboration.

    En attendant le traitement préventif ou radicalement curatif de la polyarthrite rhumatoïde, c'est sans aucun doute la prise en charge globale par une équipe pluridisciplinaire qui constitue actuellement la meilleure approche thérapeutique de cette maladie.
     

    Annexe

    Critères de l’American College of Rheumatology 1987

    pour la classification de la polyarthrite rhumatoïde

    Au moins 4 des 7 critères sont exigés.

    Les critères 1 à 4 doivent être présents depuis au moins 6 semaines.